Jude ★ Just a touch of love

★ scars and souvenirs.
Tu soupires. T'es dans l'avion qui t'amènera jusqu'à Whitby, la ville où ta mère a grandi. Paraît que ta tante y habite, et que par conséquent, tes cousins et cousines aussi. Pourtant, tu les a jamais rencontré, et on ne t'en a jamais vraiment parlé. Toi, depuis dix huit ans, t'as l'impression de vivre dans une bulle, une bulle toute rose et protégée, bien gardée. Une bulle que tu aimerais éclater une bonne fois pour toute. Pourtant, tu peux pas: t'es coincée. T'as nulle part où aller, sauf à Whitby. Tu sais pas si tu vas aimer vivre là bas, toi qui n'est habituée qu'aux bruits des klaxons, aux lumières qui brillent même en pleine nuit et à l'odeur de la pollution. Los Angeles va te manquer. Elle te manque déjà: Tout comme ton père, qui est resté là bas. En un sens, tu l'envie...Pourquoi toi t'es ici et pas lui? Discrètement, tu jettes un coup d'oeil à ta mère, qui est apparemment concentrée sur l'article d'un magasine quelconque et tu soupires à nouveau. Pour toi, qui sourit tout le temps, c'est dur: Mais aujourd'hui, t'as pas envie. Ta mère t'as dit que changer d'air te ferait du bien, que tu adorerait l'Angleterre et tout ceux qui y vivent. Pourtant l'Angleterre, c'est pas l'Amérique. Et si tu te faisais pas au climat? Et si les gens étaient ennuyeux comme la pluie? Et toi, qu'est-ce que tu vas bien pouvoir faire là bas? Tes études, ok. Mais ensuite? En fait, t'as un peu peur. T'es bousculée, et tu dois faire face au changement à cause d'une foutue lubie de ta chère mère.

D'ailleurs, tu comprends pas pourquoi d'un coup, elle s'intéresse à toi. D'accord, elle t'aime et tu l'aimes tout autant, parce que c'est ta mère: Mais elle t'as pas réellement élevée. Elle passait toujours plus de temps dans les clubs ou dans les spa avec ses copines pour oser rester avec toi. Petite, tu croyais dur comme fer que tu puais, pour que ta mère te fuie comme ça. Pourtant, ta nurse n'arrêtait pas de te contredire gentiment, en te disant que ta maman était tout simplement une femme très occupée. Tu parles. Voilà un bon moment que t'as compris que tu passais après les cours de tennis et les barbecues entre amies. Et même si t'en as souffert, t'as appris à vivre avec: après tout, on ne change pas les gens, surtout ceux qui ont été aveuglés par l'argent. En fait, t'as toujours été plus proche de ton père, ce qui est un exploit sachant qu'il a souvent passé plus de temps au bureau que dans sa propre baraque. Ce qui vous a rapproché tous les deux, c'est le fait qu'il t'emmène au bureau parfois, pendant les vacances ou après l'école. Ok, il faisait presque comme si t'étais pas là et toi t'étais seule dans ton coin avec des coloriages ou tes bouquins, mais ça te faisais quand même plaisir: Et tu sentais qu'il en avait besoin, lui aussi.

Voilà ce qui te pousse à te demander pourquoi t'es là, les fesses vissées sur ce siège, attendant qu'un énorme engin volant te dépose à destination. Sans te demander pourquoi, t'as saisi les valises que ta mère te présentait et t'as embarqué quelques heures plus tard. Tu pensais que t'avais droit à des vacances au début: Tu sais à présent à quel point tu t'es trompée. Ta nouvelle maison, tu l'as déjà vue, grâce à des photos. Ta chambre est immense, comme si ça allait tout effacer. Mais celle de Los Angeles, t'as grandi dedans: T'y a fait tes premiers pas. Sur le côté d'une porte, y'a les traces que t'as fait régulièrement pour marquer ta taille, qui changeait un peu plus tous les ans. T'as un goût amer dans la bouche, maintenant. Les regrets, sûrement. L'incompréhension aussi, peut-être. Tu flippes à mort, mais tu ne reflètes aucune émotion: Whitby sera ta nouvelle maison.