Nina ◊ J’ai le cœur anesthésié par la peur de souffrir.

1991 ★ Je regarde la balle, puis la poupée. J'ai pas envie de joué à la poupée. C'est pour les fille d'abord. Je croise les bras sur mon torse. Puisque c'est comme ça, je boude. « Tu veux pas jouer. » Je fais non de la tête. Jules me regarde bizarrement. Elle s'est une vraie fille, une vraie de vraie. Elle est belle, elle est gentille, elle sent bon. Papa dit que c'est une princesse, il a raison. Moi j'en suis pas une, j'aime pas les princesses. « T'es nulle ! C'est marrant. » Même pas vrai d'abord. Je regarde ma basket, je m'ennuie. Il fait beau, on pourrait jouer à autre chose. Tout sauf ça. Je regarde les garçons.  Dan a un sac, il est suivi par Deedee et Desti. Moi aussi je veux jouer avec eux ! Ça a l'air plus marrant. « Tu vas où ? » « Jouer avec les garçons. » Elle lève les yeux et recoiffe sa poupée. Ouais, une vraie princesse et les princesses c'est chiant. « Tu fais quoi là ? » « Bah j'vous suis ! » Ils sont plus grand que moi, je suis obligée d'être sur la pointe des pieds. C'est pas juste. Dan l'est plus grand que moi, alors qu'on a le même âge. « T'as pas l'droit. » Bah pourquoi. Je fronce les sourcils et les regarde tour à tour. « D'habitude ça vous déranges pas ! Puis j'suis comme vous. » « Non aujourd'hui tu peux pas. » Mais je comprends pas. Je les regarde un peu plus, et en particulier deedee, j'appuie mon regard. Le suppliant. « Désolé mini pouce. » « C'est la meute aujourd'hui » Qu'il dit Desti. Et il a un sourire satisfait. Ils me regardent une dernière fois et quittent le jardin. C'est quoi la meute ? Et puis pourquoi j'ai le droit d'aller jouer avec eux ? C'est pas juste ! Je veux pas jouer à la poupée ! Je tape dans la terre et traîne des pieds vers la maison. Je suis pas contente. Je veux jouer avec les garçons. « Il se passe quoi ma puce ? » « Les garçons sont nuls. » Il rigole. Bah lui aussi l'est nul, pourtant c'est mon papa. Il est pas nul d'habitude, mais là il se moque de moi. Je croise les bras un peu plus et m'enfonce dans le canapé. « Qu'est-ce qu'ils ont fait ? » Il se pose en face de moi. Il me fait son petit regard, celui du super papa. Bon je peux lui parler à lui, c'est mon super papa après tout ! « Dan il a dit que je pouvais pas jouer avec eux, et même que Declan m'a pas aidé et puis Destiel il a dit la meute ! C'est pas juste, d'habitude ils veulent bien que je joue avec eux ! Là j'ai pas compris et puis je veux pas jouer à la poupée moi ! C'est nul la poupée ! Comme les garçons d'abord ! » Je remets mes bras sur mon torse ! Voilà j'ai dit et maintenant je boude ! Il rigole de plus belle et c'est pas gentil ça ! Vilain papa ! « Arrête de rire ! C'est grave ! » Et voilà qu'il rigole en se posant à côté de moi. « Désolé ma chérie, mais tu sais que ton frère a besoin d'être avec ses cousins. » « Mais. » Il pose sa main sur ma bouche. « Ça ne veut pas dire qu'il ne t'aime pas ou que tu n'as pas le droit de jouer avec eux, juste qu'aujourd'hui ils veulent se retrouver entre hommes. Il va falloir t'y habituer ma puce, les hommes ont besoin d'être entre eux, comme toi tu auras besoin d'être avec les filles un jour. » M'ouais j'en suis pas convaincue. Pour l'instant je boude. « Ouais bah c'est nul ! » « C'est la vie ma chérie ! » La vie est nul. « Moi j'aimerai être un pirate ! » je regarde papa qui rigole de plus belle. « Et si tu allais jouer au pirate ? » « Beh j'suis toute seule. » Il a pas compris ou quoi. « Et alors ? Un pirate n'a besoin de personne ! » Il me fait un petit clin d’œil et attrape un ruban sur la table. C'est celui de Jules. Il le met sur ma tête et me cache un œil. « Et voilà, un vrai pirate, t'as plus qu'à partir à l'abordage ! » Je saute du canapé pour aller voir l’œuvre de papa ! Oh ouais je suis un vrai pirate ! C'est trop cool ! Je cours vers papa et lui fais un gros bisous sur le front. « T'es le meilleur papa au monde » Et hop direction le jardin ! Je suis un vaillant pirate, j'ai peur de rien n'y personne.

2004 ★ Je soupire pour la… je ne sais plus trop combientième de fois. Je dois bien avouer que je m'ennuie un peu, voir beaucoup. Quelle idée j'ai eu de la suivre. « Tu vas voir on va s'amuser » qu'il m'a dit. Lui s'amuse. Moi pas. Ça m'apprendra à le suivre. J'avais un bon programme, un très bon. Bien meilleur que celui-ci. Il consistait à rester terrer dans ma chambre, matant un film, mangeant de la glace. Le bonheur en soit, mais non il a fallu que j'écoute Dan. Lui et ses idées à la noix. C'est plus fort que lui, il ne pouvait pas me laisser seule ? Non il s'est entêté à me faire sortir, soit disant que j'en ai besoin. Tu parles. J'ai rien demandé moi. J'étais bien dans ma chambre, dans mon désespoir, dans ma peine. Ouais okay ça fait cliché et alors ? Lizzie est partie, Jack m'a quitté ! J'ai le droit d'être triste ? Certes Lizzie revient dans deux semaines, mais là n'est pas la question ! Jack lui ne va pas revenir, il m'a très bien fait comprendre. Et qu'on ne me sorte pas le dicton un de perdu, dix de retrouver. J'y crois pas trop. D'après Dan, c'était très bien, il ne méritait pas… Sauf que si je me fis à son jugement, très peu de personne me mérite. S'il croit que sa nouvelle copine est assez bien pour lui.. Je commence à être mauvaise, c'est mal. D'un sens c'est la vérité, ils ne se quittent plus, l'un n'allant pas sans l'autre, voilà comment je me suis retrouvée ici. A cette soirée où je ne connais personne, où le gâteau me fait guère envie et qu'en plus j'ai un liquide plus qu'étrange dans mon verre. Assurément c'est la galère. Je souffle à nouveau, cherchant Dan des yeux, j'ai le droit de rentrer à présent, ça fait quoi … une heure que je souffre dans cet endroit. J'ai le droit de rentrer. Enfin si je le trouve. Il est où encore ? Pas ici en tout cas. Et bien sûr c'est lui qui ait les clefs de la voiture, ainsi que de la maison. Poisse quand tu nous tiens. J'ai plus qu'à arpenter les lieux, espérons que j'y trouve mon bonheur. C'est quoi ça ? Une chambre, géniale y a la tv, je vais pouvoir me poser, au calme, sans qu'on me dérange. Tiens c'est bien ça. Je comptais pas regarde ça ce soir, mais après tout je comptais pas sortir donc bon l'un dans l'autre ça change de mon programme. Je fais comme chez moi, même si je ne suis pas chez moi. Je prends soin d'enlever mes chaussures, j'aimerai pas qu'on le fasse sur mon lit. Dam it ! Et si c'était la chambre d'une maniaque comme moi. Oh puis flûte, je ne fais rien de mal, je regarde juste un film ! En plus un bon film et puis y a Ewan Mcgregor, ça ne se discute pas et encore moins se commente ! J'ai de la chance, le film vient à peine de commencer. J'attrape un cousin et me plante bien devant ce film de Bay. Pas mon réalisateur favoris, mais bon je m'en contenterai pour ce soir. « Oh, désolé, je pensais que tous les jeunes étaient dans le salon. » La porte vient de me sortir de mes rêveries, ainsi que lui. Je tourne la tête vers cette interruption. A le regarder, on a l'impression qu'il s'attendait à autre chose. Quoi ? Je devrais être avec un mec entrain de me peloter ou je ne sais quoi ? J'esquisse un sourire. Il a l'air marrant. « Ce n'est pas grave, je ne fais que regarder un film. » Sitôt dit, sitôt je lâche ses yeux pour l'écran. Ewan était en train de dire un truc captivant. J'ai pas envie d'être largué. « Ça te dérange si... ? » Je le regarde, il paraît hésitant. Rien qu'en voyant sa tête, je ne peux m'empêcher de rire. Je lui indique qu'il peut prendre place. Ces lieux ne m'appartiennent guère et de la compagnie ne me dérange pas. Du moment qu'il décide pas de partir en monologue pendant le film, on peut s'entendre. Je tourne la tête vers lui, mon sourire n'a pas quitté mon visage. « En passant, moi c'est Nina. » Il me fixe un instant, me sourit à son tour. « Enchanté Nina, moi c'est Grayson... » Un prénom tout aussi mignon que le propriétaire. Je tourne la tête en gardant mon sourire, pour me reconcentrer sur Ewan. Je sais pas pourquoi, mais un je ne sais quoi me plaît bien chez lui. Pas chez Ewan, lui c'est juste Obi wan, non chez ce Grayson…

2009 ★ BIP BIP BIP ... Je suis fatiguée. Épuisée. Lessivée. J'entends le réveil qui sonne à côté de moi. Je ne prends même pas la peine de sortir ma tête de sous la couette. Je l'éteins en tâtonnant. Ratant une ou deux fois ma cible. Je laisse échapper un petit son. Je ne suis décidément pas du matin. Encore moins les dimanches. J'aime dormir et non entendre ce son strident. Pourquoi le monde est cruel. Un pied bouge à côté de moi. Puis un bras vient me capturer. J'ouvre les yeux, son visage apparaît. Sa tête écrasé sur l'oreiller. Il n'ouvre pas les yeux. « J'te préviens t'as pas intérêt à bouger. » Il dit ça, naturellement et me serre un peu plus contre lui. Il m'a l'air très sérieux. J'approche mes doigts de son visage, finissant dans ses cheveux. « Tu sais bien qu'on a pas l'choix ... » Je le vois grimacer. Ça ne tiendrait qu'à moi, y aurait pas eu de réveiller. Mais on est dimanche, le premier du mois. Qui dit dimanche, dit repas en famille, surtout le premier du mois. Les autres sont moins obligatoire, mais là c'est toute la famille. Justin est revenu de son périple en Inde, on sera vraiment tous là. Il grogne, mais ne bouge pas. J'avoue qu'on a peu dormi, la nuit a été courte et pas pour ces raisons. Lizzie fêtait son anniversaire hier soir et on a continué la fête jusqu'à tard ou tôt dans la matinée. Il me serre un peu plus. Message reçu. « Ils vont nous tuer, si on y va pas. » Il bouge son nez, n'ouvrant toujours pas les yeux. Je commence à bouger un peu, ne sachant pas quoi faire de ce bras. Y a toujours un bras qui agace. Un dont je ne sais pas quoi faire. Il déserre un peu son étreinte, j'en profite pour m'extirper. « Hep, tu vas où là ? » Il m'attrape par l'arrière. Sans comprendre quoique ce soit. Je me retrouve en dessous de lui. Son regard bleu m'apparaît enfin. « On va être en retard si on continue. » Son sourire s'allonge. Oh non, je n'aime pas ça. Il a une idée derrière la tête. Et je crois savoir laquelle. Ses mains effleurent ma peau. « Gray ! » « Autant l'être pour une bonne raison. » Je me mords la lèvre inférieure, ses lèvres effleurent mon cou, descendant… Il ne faut pas. Non, il faut que je résiste… ou pas. Il sait parfaitement comment m'avoir. Mon cœur s'emballe. Mon corps frissonne à chaque contact avec sa peau. Il est le premier à réellement me faire sentir ainsi, vivante, heureuse. J'ai jamais rien vécu de comparable avant lui. « Oh puis tant pis, on dira qu'on a pas entendu le réveil. » Il relève la tête, son sourire satisfait sur le visage. Il a gagné, une fois de plus. En même temps, il triche et m'attaque sur mes points faibles. Comment ne pas résister ? Autant être faible et profiter. Oh ça oui … Bon sang que j'ai chaud…

2012 ★ Journée de merde. Et par dessus tout, j'ai cette mauvaise intuition. Un truc va se passer et pas en bon. J'ai tenté toute la journée de ne pas y songer, pourtant ça reste là. Fixe dans mon esprit et surtout dans mes tripes. J'espère que je me trompe. Je tourne la clef dans la serrure. Roro est là. Il m'attendait, me faisant la fête. Cette intuition grandit. Je n'aime décidément pas ça. Je me racle la gorge et partout la maison du regard. Rien. Tout est là. A l'exception d'un truc, je sens mon cœur battre plus vite. Non ce n'est pas possible… mes pas se dirigent vers la chambre, plus précisément son côté de la penderie … vide. Je ferme les yeux et me racle la gorge. Non. Je les réouvre, rien. Je ne suis pas en train de rêvée. Je commence à trembler. Tout arrive d'un coup, non, non. J'attrape mes clefs et sort de la maison en courant. Au même moment la pluie arrive. Le froid ne m'atteint pas. Je sens que la pression relâche. Cette intuition qui ne m'a pas quitté de la journée, ce sentiment… Je voulais me tromper. Croire que… Je finis par m'arrêter, reniflant de plus belle, tambourinant sur la porte. Je ne peux m'arrêter de pleurer. J'en ai juste pas la force. « Nina » Je me réfugie dans ses bras.  Il me réceptionne. Sa chaleur me fait du bien en temps normal. En temps normal il est le seul qui puisse me réconforter. Pourquoi ça ne fonctionne pas ? Pourquoi je me sens… brisée. Il ne dit rien, il se contente de me serrer contre lui, m'amenant au chaud. Je déverse ma peine sur lui. Au bout de quelques minutes, je fini par relever la tête. « Il est parti … » Et voilà, je pleure de plus bel. Je ne peux plus m'arrêter. Je me sens pathétique, misérable. Je me sens vide. J'étouffe. J'ai mal et de partout. Pourtant j'arrive à trouver la force pour taper sur son torse. « Pourquoi il a fait ça, pourquoi il a choisi son travail, pourquoi ... » Il attrape mes poings et me blottit contre lui. Je lui en veux. Je lui en veux de m'avoir caché cette nouvelle. Je lui en veux d'être parti. Je lui en veux … pourtant j'aimerai tellement qu'il soit là. Je veux me réveiller, me dire qu'il n'a pas fait ça. Qu'il n'a pas choisi son boulot. « Je sais pas, je peux pas te dire pourquoi qu'il a fait ça, mais … ça va aller. » Quand ? Qu'on ne me parle pas de temps. Qu'on me parle pas que je vais retrouver le sourire. Je m'en fous de tout ça. « Il m'a lâché Dan… il avait pas le droit ... » Je plonge mon regard dans le sien. J'avais besoin de lui et surtout en ce moment. Dan glisse sa main dans la mienne, pose son front sur le mien. De base, rien que ça, me fait me sentir bien. Pourtant ce vide est toujours là. « J'sais pas quoi te dire, hormis que je vais t'aider à traverser ça. » Je sais qu'il le pense, mais ça fait mal. Pourquoi là ? Pourquoi maintenant ? Il savait que … Pour toute réponse, Dan m'attira un peu plus contre lui, me chuchotant Chut. Tentant de calmer les battements de mon coeur. J'ai l'impression qu'il va exploser. Je ne pensais pas qu'il le ferait réellement. Je lui avais mis cet ultimatum, mais… Je m'étais trompée. J'ai eu tort de penser qu'il m'aimait plus que ça. J'ai eu tort de croire en lui, en nous, en tout. Je ferme les yeux et m'appuie contre Dan. Il m'attire contre le canapé, je finis par me blottir dans ses bras. Passant une couverture sur moi. Je reste blottit contre lui. Priant pour que tout ceci ne soit qu'un cauchemar et que je me réveille au plus vite …

***

« Nous sommes aujourd'hui réuni, pour saluer la mémoire de cet homme, de ce mari et surtout de ce père exemplaire. » Parce qu'il est bien connu qu'un malheur n'arrive jamais seul. Quelques jours après le départ de Grayson, son état a empiré. Parce que ce n'était déjà pas dure de vivre sans lui, que j'avais l'impression de mourir un peu plus chaque jour. Je le voyais lutter et faiblir de jour en jour. A tel point qu'à la fin, il n'eut plus le courage de se battre. Ma gorge se serre. Je m'étais promis de rester forte. De rester celle qu'il avait toujours vu. Pourtant j'ai craqué. Je suis humaine. J'ai appelé la seule personne que je voulais à mes côtés. Maman monte sur l'estrade, je glisse ma main dans la sienne. Qu'importe ce qui s'est passé, il est là. Il se tient à côté de moi. Il est venu. Il est réellement là. Il presse sa main. Sa chaleur me fait du bien. J'étouffe de l'intérieur, mais il est là. Il m'apaise sans s'en rendre compte. Dan n'a pas approuvé mon choix, mais il n'a rien dit. J'ai besoin qu'il soit là, je ne peux pas l'expliquer. Seulement quand il est parti, quand je me suis retrouvée seule dans ma chambre. Je ne pensais qu'à une personne : lui. C'était la seule voix que je voulais entendre à ce moment précis. J'aurai pu appeler Lizzie ou Fergus, mais non j'avais besoin d'entendre sa voix. La sienne et rien que la sienne. Il n'a pas dit grand-chose. On n'a pratiquement pas parler, mais j'avais besoin de savoir qu'il était là, à l'autre bout du fil. Alors à cet instant, je me suis laissée aller. J'avais besoin de ça. J'avais besoin de savoir qu'il était là. Et il est là. Il est bel et bien là. Je sens les larmes me brûler la gorge. Je les retiens depuis un moment déjà. J'ai l'impression d'être en ruine… et c'est ce que je suis. On était tous préparer à ce jour, mais même préparer ça n'empêche pas la douleur. Elle reste là. Grandissante de jour en jour. C'est ce que son départ m'a fait. Le savoir à mes côtés aujourd'hui, me donne un peu d'espoir. L'envie d'y croire… Elles finissent par éclater sur mes joues. Je ne pouvais pas les retenir plus longtemps. Pourtant au fond de moi, une petite lueur se construisait. L'idée qu'il était de retour, l'espoir d'un jour meilleur… A croire que je n'ai pourtant pas appris de mes erreurs. Quelques heures plus tard, il reprenait son avion. Sa vie. Me laissant en plan. Tel une vulgaire chose que j'étais. Un souvenir du passé. Il avait fait sa bonne action et il était reparti, aussi vite qu'il était venu. Me détruisant un peu plus…

2014 ★ « C'est quoi cette tête ? » Je tourne la tête vers Lizzie. Oh non je le sens pas. Elle s'avance vers moi, une paire d'escarpins à la main. « Rien. » « Si y a un truc, me dis pas que tu hésites ! T'as pas l'droit ! » Ah bon et pourquoi ? Je plante mon regard dans le sien. Elle fait les cents pas devant mon armoire pour en sortir une robe qu'elle me tend. « Parce que ce mec est canon, gentil, attentionné, intelligent, j'ai dit qu'il était canon ? » Elle me tend un peu plus la robe. Je l'attrape. Un peu trop… sexy ! « C'est pas une raison. » « Et alors ? Depuis quand il faut une raison ! T'en as besoin. Va m'enfiler ça et discute pas. » Je soupire et baisse les bras. Je n'ai pas le choix, bien sûr que j'ai le choix. Je peux toujours annuler. Rien n'est fait. Il comprendra. Enfin je crois. Je passe la robe, me contemplant dans le miroir. Ça fait longtemps que je me suis sentie aussi … féminine. « CANON tu es ! Craqué il va ! » Lizzie s'approche de moi et me passe un collier. « J'sais pas si c'est une bonne idée. » Et voilà qu'elle lève les yeux au ciel. « Arrête de penser à tout ça, vous en êtes à votre quoi ? Dixième rendez-vous ! Il est temps de conclure ! Je comprends pas pourquoi t'es pas encore passé à l'acte, surtout avec un mec comme lui. » Je rigole, je la reconnais bien là. « Peut-être parce que.. » « Ah non ne prononce pas ce prénom ! Tu sais bien qu'il est aussi nocif que Voldemort ! » Je lève les yeux au ciel. Qu'est-ce qu'il ne faut pas entendre. « Oui, mais en attendant Andy n'est pas... » « Je sais qu'il n'est pas lui et que tu as dû mal à te défaire de tes habitude de mamie, mais il est justement ce qu'il te faut ! Il est pas blond, il a pas un égo démesuré ! Il est pas barbu, il t'a choisi toi plutôt que le travail ! Je continue ou bien ? » Elle se plante devant moi. Je sais qu'elle a raison et que je prends peut-être un trop mon temps avec Andy, mais j'ai peur. Peur de souffrir à nouveau. « Écoute ma bichette, je sais que tu as peur, je te comprends, mais chaque histoire est différente et puis l'autre est loin, entouré par son espèce. Tu dois vraiment tourner la page, il reviendra pas et toi tu mérites beaucoup mieux que lui ! » Je souffle et baisse les yeux. Elle n'a pas tort. Il ne reviendra pas, pas cette fois… La dernière fois m'a suffit, il est reparti aussi vite que l'éclair. A croire que ce que nous avons vécu ne comptait pas pour lui. J'étais juste un amusement d'un soir. Rien de plus. Son métier a toujours plus contenté, il faut que je me fasse une raison. Andy m'a préféré à un dossier, je devrais être heureuse. Il met son job de côté pour moi. Je respire et relève les yeux. « T'as raison ! » Lizzie affiche un grand sourire. « Ah là je retrouve ma girl ! Bon les chaussures à présent. » Si avec cette tenue et ce que Lizzie me concocter je ne conclus pas, j'ai plus qu'à rentrer au couvant. Un nouveau chapitre s'ouvre à moi. Je n'ai plus qu'à m'y préparer. Je peux le faire. Il faut juste que je l'enfouisse au plus profond de mon esprit. De toute façon, il ne reviendra pas …  

2015 ★ Je me racle la gorge à nouveau. Le regard perdu sur cette boîte ou plutôt sur ce cercueil. Ma poitrine se sert. Je sens mes muscles se contracter.  Une main se glisse dans la mienne. Je tourne la tête. Andy se trouve à mes côtés. Je devrais être bien, il devrait me faire me sentir bien, je devrais être un peu rassuré. Pourtant ce n'est pas le cas. Je sais qu'il est là pour moi. Je lui en suis reconnaissante, mais je ne peux pas. Je lâche sa main et m'avance vers Dan, il me prend dans ses bras. Tout le monde se trouve là, ou presque. Papa nous regarde de la haut, rien qu'en y pensant, je sens une larme s'échapper. Oncle Crawley a fait le service, je ne pensais pas qu'il le ferait. Ils étaient en froid depuis dès années, il me semble que ça a commencé après le départ de Declan. Je le cherche du regard. Il est là. Son regard est perdu. Je n'ose pas m'avancer vers lui. Dan glisse sa main dans la mienne, je me sens déjà bien mieux. Je pose ma tête sur son épaule. Pourquoi le sort s'acharne sur nous ? Après papa, c'est au tour de Destiel. A quoi bon lutter si on nous enlèves les gens qu'on aime un par un. Destiel était un mythe au sein de la famille. C'était mon cousin. Celui qui m'a fait boire pour la première fois, ainsi que fumer. Je dois bien reconnaître qu'il m'a initié à beaucoup d'autres choses, sous le regard avisé de Deedee et Dan. Nous étions proches, mais pas autant qu'il l'était de Declan. Je n'ose imaginer ce qu'il doit ressentir. Si on m'enlevait Dan… je serre sa main un peu plus. Je ne préfère pas y songer. Gamins nous formions les quatre fantastiques. Et puis on a grandit, on a pris des chemins différents, mais on prenait des nouvelles l'un de l'autre. Je sais qu'il avait décidé de se couper du monde, de vivre dans sa caravane, avec sa chèvre. C'était un sacré spécimen. Il me manque. On ne parlait pas souvent, mais à chaque fois il avait la connerie pour me faire rire. Il savait s'y prendre, il avait ce don pour faire rire les gens, sans le vouloir. C'est ce qu'il disait. Il ne cherchait pas à être aimé, il n'en avait rien à faire de ce qu'on pensait de lui. Il vivait sa vie au grès de ses humeurs. Il faisait ce qu'il avait envie de faire. C'était ça Destiel. Et surtout beaucoup de médicaments et de drogues. La folie l'avait bien plus ravagé que le cancer, mais pour moi c'était de la bonne folie.

***

Une bonne odeur s'échappe de la cuisine. Je m'y dirige à pas de loup. Andy m'a formellement interdit d'y mettre les pieds. Ce soir, c'est lui qui cuisine. Un sourire apparaît sur mon visage. Il a tout préparé. Une jolie table. Un bouquet de fleur. Je joue nerveusement avec ma bouche. Je ne sais pas pourquoi, mais ça me renvoie à lui. A croire qu'aujourd'hui, tout me ramène à lui. Il faut que j'arrête. Je sache cette idée de ma tête. Andy est de dos, s'activant derrière les fourneaux. Bougeant son bassin sur la musique. Les Beattles. Et là, c'est plus fort que moi, je le revois chanter, moi débarquant sous la douche pour le couper dans son élan… Dam it ! Qu'est-ce qui me prend aujourd'hui ? Ça faisait longtemps que j'avais songé à lui. Pour dire depuis que je suis avec Andy, je me suis interdite de repenser à lui, à nous. Même si c'est dur, que je le compare souvent, ce qui est mal, très mal. Seulement j'y arrive pas, le moindre petit détail, m'y ramène. Rien qu'hier soir. Andy a bougonné quand j'ai laissé la télé allumée. Au début, ça l'amusait, mais là il était fatiguée. Il voulait dormir et la télé le gêné. Je n'ai pas pu m'empêcher de repenser à lui. Il ne disait rien, au contraire, il m'encourageait en mettant des trucs stupides pour m'endormir. Il avait même programmé la tv ou alors il allait l'éteindre en pleine nuit. Il faut que je cesse de tout ramener à lui. Il est parti à présent, il ne fait plus parti de ma vie. Andy oui. Il est bien réel et là. Je dois m'habituer à lui et ses manies. Comme celle de se craquer les doigts avant de dormir ou encore de laisser le tube de dentifrice ouvert. Des trucs stupides, mais ça me rend dingue. Je dois m'y faire. C'est juste, difficile. Il s'installe de plus en plus dans ma vie et j'ai l'impression … de pas le laisser totalement entrée. Fergus me dit que c'est moi le problème et la maison. Qu'il comprend la situation et qu'il aimerait pas être à la place d'Andy. Je ne comprends pas pourquoi, soit disant le fantôme de Gray rode partout dans la maison. N'importe quoi. « Et tu triches. » Il me fait des grands yeux, comme s'il allait de m'engueuler, puis se ravise et m'embrasse. Je souris. Passant mes mains autour de son cou. « Et cette soirée est en quel honneur ? » Il sourit un peu plus. Se détachant de moi, j'en profite pour regarder ce qu'il prépare. Du poisson. Je ferme les yeux un instant. Non, non, non. Ça suffit. Il faut que j'arrête. La sonnerie d'entrée me fait sortir de mes rêveries. « Bouge pas, j'y vais. » Je n'ai pas le temps de répondre quoique ce soit qu'Andy se trouve déjà à la porte. Je m'approche un peu plus. « Est-ce que Nina est là... » Mon sang se fige sur place, mon cœur a raté un battement. « Nina c'est... » Andy n'a pas le temps de finir sa phrase que j'apparais. Me raclant la gorge. Reste forte. Ne lui montre pas que ça te touche. « Ce n'est pas une bonne idée que tu sois ici. » finis-je par lui dire en refermant la porte. Sous le regard incrédule d'Andy. Il va me demander des explications. Je le sens. Je le sais. Je n'y crois pas. Toute la journée, j'ai eu des avertissements et là. Là il se trouve devant ma porte. Les emmerdes, c'est exactement comme le papier toilette, tu tires une feuille et d'autres arrivent. Je pensais qu'après la mort de Destiel, la vie reprendrait son cours. Que tout irait mieux. Declan m'a même dit qu'il venait s'installer en ville, on allait se soutenir à notre manière. J'avais enfin retrouvé un semblant de paix. Et voilà qu'il revient tout chamboulé. « Laisse moi deviner… C'est lui ? » Je tourne la tête vers Andy. Je lui en ai parlé, il a bien fallu. Je pensais pas qu'il capterait. Il ne l'a jamais vu en photo, pas que je sache. Je sais plus. Je n'ai pas la force de répondre. Je baisse le regard. Je m'y attendais pas, mon coeur non plus, Grayson est de retour...